Notre ami Babar

Celles et ceux dont la mémoire est riche des nombreux albums de Babar et qui se souviennent de la présence des Brunhoff au Ferret, ont ressenti avec tristesse la disparition de Laurent de Brunhoff, à New-York,le 22 Mars dernier.

Leur héros, attachant pachyderme humaniste, fût inventé par les parents de Laurent, Jean et Cécile : deux artistes, un peintre et une pianiste.

Ce fut, en 1930, pour le petit frère alors malade de Laurent, que Cécile inventa l’histoire d’un éléphanteau qui perd sa mère et pénètre dans une grande ville où une vieille dame le recueille.

On donna un nom au héros, « Babar », une contraction de Bébé et Papa.

Jean, dessinateur et peintre, le met en image : Dans la grande forêt, un éléphant est né, il s’appelle : « Babar ». Nous sommes en 1931, Laurent de Brunhoff a 6 ans. Il découvre enfin, après les planches de dessin annonciatrices de l’œuvre, la bande dessinée parue aux Éditions Jardin des Modes.

Six autres albums suivent, et sont édités avec grand succès par Hachette dès 1936.

Les illustrations sont brillantes, dignes de l’élève du grand peintre Othon Friesz, que fût Jean de Brunhoff.

Hélas, atteint par une tuberculose fulgurante, Jean décède en 1938, Laurent a 13 ans.

Cécile de Brunhoff qui décédera à l’âge avancé de 99 ans, en 2003, a précisé comment, appuyée par les Éditions Hachette, elle avait pu passer le relais à Laurent afin de ne pas détruire le monde imaginaire de Babar.

Après des études de dessin et de peinture, Laurent reprend le graphisme et les vivres couleurs de Jean. L’album « Babar et ce coquin d’Arthur », sorti en 1946, est magnifique, les pages illustrées éclatent de vie.

Puis ce sera, trois ans plus tard, « Piquenique chez Babar » …

On se rapproche de chez nous, et ce n’est pas un hasard.

En effet, les Brunhoff résident en saison au « Rancho», cabane forestière appartenant à la famille Lillet, dans le périmètre des quarante hectares.

L’allée Jean Cocteau, en ces lieux, témoigne que l’écrivain ami visitant, dès 1920, Madame de Brunhoff, atteste de l’attachement de la famille de l’éditeur Maurice de Brunhoff, père de Jean, à la presqu’île sauvage du Cap-Ferret.

En 1952, sortit ainsi chez Hachette, « Babar dans l’île aux oiseaux ».

A ce propos, Claire Lillet a témoigné avoir vu Laurent de Brunhoff travailler à ce projet l’été 1950 : « Il y avait des tables ouvertes sous la véranda et des croquis d’île, paraissant la nôtre», celle du bassin d’Arcachon.»

On s’interroge parfois sur l’Univers Royal de Babar. Celui de Celestville, où règnent l’harmonie et le respect de l’environnement.

Les Brunhoff déjà artistes ont aussi le privilège de descendre en ligne directe du Roi de Suède et de Norvège Oscar Deux (1829-1907)

C’était un Roi érudit, auteur, artiste, qui rencontra une belle jeune femme qui s’appelait Ida de Brunhoff et Ida de Malmoe.

Est-ce à travers sa descendance illégitime mais bien connue, à travers les Brunhoff, que le Roi Oscar, descendant du gascon politiquement modéré Bernadotte, unique exemple d’intégration en territoire étranger d’un Maréchal de Napoléon, pût exposer sa conception d’un bien vivre dont nous pourrions être quelque peu nostalgiques ?

Laurent de Brunhoff qui a décuplé en millions d’exemplaires l’image de Babar, le lançant à la découverte du Monde, a conféré à son héros l’amour du prochain et le sens de la mesure.

N’est-ce pas grande et belle philosophie pour appréhender notre époque qui a la particularité de ne rien écarter, en tous domaines.

Denis Blanchard-Dignac,

Président de l’Académie du Bassin d’Arcachon