Nous avons lu De sable et de neige – traits et portraits. Vous êtes une grande voyageuse et je comprends que vous glissiez du Bassin au Japon qui lui ressemble quelque peu. Alaux, déjà, mettait l’accent sur ce mystère. Quant à moi, géographe sédentaire, je ne connais du Japon que les très vieilles photos de Gsell ou autres que les miniaturistes japonais illuminaient de leurs pinceaux et que la Société de Géographie conserve rue Richelieu. Je ne retiendrai pas le Japon, mais le Bassin.
Vous développez vos souvenirs à partir de photos connues de vous. Ce sont vos cairns témoins des étapes de votre existence. Vous les utilisez à la manière des cailloux du Petit Poucet qui vous permettent de faire remonter vos souvenirs. Vous nous donnez des selfies : vous entrez dans le paysage qui vous enveloppe toute entière. Ce n’est pas vous qui allez au Bassin mais le Bassin qui vient vers vous. Il y a entre vous et lui comme une vieille complicité. Pour nous qui sommes nés ou vivons près de lui tous les jours, nous ne sommes rien. C’est lui qui est tout : il nous gronde, nous gifle, nous caresse, nous charme de ses couleurs tout en nuances et, comme disent les vieilles dames de Mauriac, change tout le temps. Les touristes ne voient souvent rien de tout cela et ne peuvent même pas imaginer que tout évolue dans le Bassin : son sable, sa mer, la plage, la dune, le trait de côte, la ville, les gens eux-mêmes. Rien n’est semblable d’un moment à l’autre. Vous en aviez l’habitude. Vous le savez et c’est pourquoi vous préférez l’instant au récit, le pointillisme au tableau. L’instant choisi, c’est celui de vos souvenirs d’un pays que nous connaissons bien. L’enfance est instant, l’instant est personnel, intime, parfois inavouable aux adultes. Et votre père en filigrane, dont la présence s’estompe sans qu’il soit jamais oublié…
Le gamin qui court derrière la vague et qui la fuit quand elle revient, la fillette dans son trou, le caillou improbable que vous cherchiez sur la plage avant de la trouver près de l’église, le curé de Saint Ferdinand qui vous trouvait les jambes du diable parce que vous les aviez gainées de rouge, c’est Arcachon tel que vous l’avez ressenti. Nous avons même cru découvrir la demoiselle qui refusait que vous jouiez une bande de voleurs, fussent-ils gendarmes. La même, probablement que celle qui inscrivait, d’un rouge rageur, en marge de la copie de Sylvie Caster qui pensait pouvoir adorer je ne sais quelle friandise : on n’adore que Dieu.
Merci de nous avoir présenté Arcachon comme nous l’aimons, avec toute votre sensibilité. Une chose ne change jamais : ce sont les souvenirs d’enfance.