Revue de presse littéraire de Jean Dubroca
ACADÉMICIENS À L’ŒUVRE
VICTOR – Guy Rechenmann (Cairn éditeur)
La « Dépêche » qui présente ce tout dernier roman titre : « Un cas d’école enfin résolu ». Mais il a fallu pour obtenir cette solution attendre depuis 2012. Car Rechenmann reprend ici un autre de ses romans, « Victor » dont il dit : « Il était plutôt poétique sur le déterminisme et le libre arbitre ». Toujours est-il qu’il s’achevait sur cette question : « Qui a poussé et tué le jeune Victor ? ». Certes, le commissaire de l’époque, usant de l’hypnose, avait identifié le coupable mais n’avait pu l’arrêter, faute de preuve. Vingt ans après, le héros récurrent des polars de Rechenmann depuis huit romans, le devenu célèbre et obstiné « Flic de papier », amoureux du Cap Ferret, reprend l’enquête avec la minutie qu’on lui connaît. Il y est aidé par de savoureux personnages : le patron du restaurant l’Escale, ou encore Pierre Lacaze et ses copains, ostréiculteurs de Piraillan et enfin par Lily, une jeune surdouée. Ce qui, écrit « La Dépêche », ‘’donne un récit hors du commun, moins léger qu’il n’y paraît par son côté philosophique, pour amoureux de la littérature blanche, avec des textes un peu intimistes qui traitent de l’être et de l’humain ». Avec, en prime, ce qui n’est pas rien, le cadre toujours étonnant de beauté et d’originalité de la presqu’île que l’auteur sait si bien décrire.
LIVRES DU PAYS DE BUCH
Atlas des toponymies des espaces maritimes du bassin d’Arcachon, par des auteurs regroupés par le Parc naturel marin. Complété par des cartes. (En ligne)
« La Dépêche » consacre une page entière à cet atlas rédigé grâce à treize spécialistes et aux anciens du « Sénat de la mer » de Gujan-Mestras. Autant dire qu’il s’agit d’un ouvrage, dit La Dépêche « qui a nécessité deux années de travail, de recherches, de compilation et de mises en forme. » Il ne s’agissait, rien de moins, que d’expliquer l’origine de tous ces noms qui font du Bassin un monde à part. Pourquoi ‘’Lavergne’’ ? Pourquoi ‘’Le Canon’’ ? Pourquoi ‘’Le Mimbeau’’ ? Pourquoi ‘’Mapouchet’’ ? Plus d’une centaine de noms de lieux sont ainsi répertoriés, écrit Jean-Baptiste Lenné, « à la croisée de la géographie, de l’histoire et de la linguistique. » Le tout compose le socle d’une mémoire collective, liée au gascon ainsi mis à l’honneur. Et le journaliste de se livrer à un classement sur l’origine des mots. « Certains font référence au contexte géographique ou morphologique, d’autres désignent une pratique ou une ressource. Certains évoquent un nom de famille ou un événement marquant. » Il était temps d’inventorier ce patrimoine immatériel, menacé de disparaître, miné par la disparition du gascon ou la réduction du nombre des parcs à huîtres. Ce précieux atlas, c’est donc autant l’histoire du Bassin que de son peuple courageux qui a trimé sur ses flots et sur ses terres durant des siècles.
Le goût du bonheur – Sophie Avon (Mercure de France)
Dans le Nouvel-Obs, Jérôme Garcin écrit, à propos du roman de Sophie Avon (1) : « Héritière de Colette et de Christine de Rivoyre, son livre est plein de confidences, de parfums, de couleurs, de bruyères, de regrets et d’espoir. Il brûle comme le lignite sous la terre de Gascogne ». On ne saurait mieux décrire la richesse de cet ouvrage qui a pour cadre principal, Lios (Mios n’est pas bien loin de là –NDLR-) où Lili partage avec son frère Paul la vieille maison qu’il vient d’acheter, au cœur des Landes. Là, ces deux déracinés se retrouvent enfin, ils songent ensemble à tout ce qui fut leur vie, lui romantique, elle, Lili, tourmentée par le souvenir d’une enfance déchirée à Oran, torturée par le temps qui passe car tenant toujours par la main « la petite fille morte en Algérie » qu’elle fut, traumatisée par la guerre d’Algérie.
Cependant, sous nos pins, tous deux retrouvent lentement une sérénité et même une certaine forme de joie dans leur « sanctuaire », devenu comme une maison de famille. Mais nous sommes en juillet 2022. La forêt brûle, menaçant de ses flammes infernales la maison de la sérénité retrouvée. Les démons qui tourmentaient Lili reviennent alors avec la force de l’incendie. Mais les hommes, avec courage et abnégation, finissent par vaincre l’enfer. La nature, bientôt, reprend vite ses droits et Lili, qui s’est battue contre ses tourments revenus face à la violence du feu, contre sa peur d’aller vers la fin, de ne plus pouvoir vivre que dans le passé où elle s’accrochait, Lili retrouve le calme de son havre de paix. « Le roman de Sophie Avon à la fois combatif et contemplatif », s’achève sur une victoire qui est aussi celle de notre forêt qui va revivre.
Ancienne critique de cinéma à « Sud-Ouest » et au « Masque et la Plume » (France Inter)
Le parler du Bassin – François Lafaye. (En librairie)
« Ces mots d’ici d’autrefois », c’est le titre de « La Dépêche » pour présenter ce livre d’un enfant du Bassin. Il rappelle que, jusqu’à la fin du XIXe siècle on y parlait le gascon jusqu’à ce que l’école finisse par imposer le français. De ce long passé linguistique subsistent quelques expressions qui, dit l’auteur « seraient banales sans la façon de les dire ». François Lafaye a donc répertorié ces mots qui trouvent difficilement leur équivalent en français pour parler de la forêt ou de la mer et qui ne manquent pas de saveur. D’autant plus qu’ils proviennent de façon subjective, dit encore l’auteur « des restes d’escapades d’enfance, de cours d’école ou de sorties en pinasses ».
Les fantômes de la ville d’hiver – Yann Callens. (Autoédité)
L‘auteur voit dans cet historique quartier d’Arcachon « Un trésor du patrimoine à ciel ouvert où le temps est suspendu ». Il invite donc le lecteur à le suivre dans une balade qui le plonge, 150 ans en arrière, dans ce qu’il appelle « la Belle époque, celle de l’insouciance » et qui nous a laissé ses fantômes. Il les fait revivre tout au long de son itinéraire fétiche, à travers les villas, les soirées mondaines, les fêtes grandioses et les nombreuses anecdotes qui y sont liées. Puis, soudain, il erre dans le calme absolu d’allées enchanteresses… C’est tout le charme de cette ville étrange, née de rêves fous et de réalités très commerciales que ce livre, souvent poétique et orné de belles photographies, évoque à travers cinquante chalets historiques.
La saga du banc d’Arguin – Hervé Roques. Préface d’Erik Orsenna. (Editions Sud-Ouest)
Dans sa belle préface Erik Orsenna raconte sa passion pour les sternes « ces acrobates aériens dont on se raconte les voyages de 70 000 kilomètres et qui, chassés du sillon de Talbert en Bretagne, furent sauvés par Pierre Davant et son équipe qui leur ouvrit le nid du banc d’Arguin. Au prix d’une longue bataille que narre le livre, il devint une Réserve naturelle nationale ». C’est cette passionnante aventure, illustrant « la naissance du droit à l’environnement » que raconte Hervé Roques dans un ouvrage fort complet, ponctué de belles et explicites photos. Il s’ouvre sur l’inventaire et le rôle essentiel des réserves naturelles françaises puis il raconte comment le banc d’Arguin a sauvé les sternes dès 1966, menacés de disparition par l’envahissement touristique ce qui amena à la création de la SEPANSO. Mais ils ne sont pas les seuls à profiter de cette langue de terre salvatrice. Pingouins Torda, fous de Bassan, ou autres migrateurs y font escale. Ensuite, l’auteur nous intéresse « à la vie cachée des dunes » où diverses plantes rares peinent à fixer des sables mouvants, il évoque les huîtres qui prolifèrent mais aussi tout ce qui menace cet environnement fragile, unique en France. Le tout accompagné de chapitres qui, associant explications scientifiques et anecdotes variées, apportent un regard plein d’humanité sur ce bout de sable qu’Orsenna appelle « une des pierres d’un gué, le gué de la vie ».
Étranges remous dans le Bassin » – Patrick Tardif (Éditions Ric)
Patrick Tardif a deux labradors noirs, Clyde et Rumba. On l’apprend dans l’article d’Eve Lascazes, qui, dans « La Dépêche » présente ce polar. Le détail a son importance puisque l’auteur a voulu rendre hommage à ses deux compagnons quadrupèdes en dotant le détective privé Harry Store d’un adjoint canin, Platon. Une aide bien utile puisqu’on retrouve un homme enseveli dans la vase. Et l’enquête où se lance le couple conduira le lecteur à travers des sites qu’on ne se lasse pas de découvrir : le banc d’Arguin, les plages d’Arcachon, du Ferret et la ville d’hiver.
Crime sur le Bassin – Dominique Calamel (Geste édition)
Eva Lascazes qui présente ce polar dans « La Dépêche du Bassin » fait observer qu’il s’agit du dixième ouvrage de cette autrice gujanaise, qui, écrit la journaliste : « décrit le Bassin comme un coin de paradis ». Ce qui n’empêche par un redoutable violeur, surnommé « le Nettoyeur » d’y sévir. Il est d’autant plus redoutable que, comme son nom l’indique, il efface toutes les traces de ses méfaits avant de quitter les lieux de ses forfaits. C’est le commissaire fétiche de Dominique Calamel, Francis Delani, qu’on appelle « le Bouledogue » qui va s’attaquer à l’enquête, favorisée par le fait qu’on va trouver un bateau abandonné sur le Bassin. Il contient des traces d’ADN que l’on a relevées dans un des endroits où le Nettoyeur est passé. C’est une longue traque qui commence et qui conduira ses protagonistes dans le monde entier. Qui l’emportera ?
Les blockhaus engloutis du Bassin – Marc Menin – Marc Mentel.
« La Dépêche du Bassin » rappelle que son auteur est le créateur de la GRAMASA (Groupe de Recherches archéologiques sur le mur de l’Atlantique secteur d’Arcachon). Ce plongeur et son équipe ont exploré les bunkers engloutis des Gaillouneys depuis 1984. Une longue série de visites du site a conduit, d’abord, à la publication d’une première carte sous-marine de l’emplacement des fortifications. Elle fut suivie par des études sur l’organisation militaire du lieu, sur sa formation, sur sa description archéologique et sur la faune marine qui s’y développe d’une manière exceptionnelle. Six hectares immergés qui forment un des sites patrimoniaux culturel et naturel parmi les plus remarquables du Bassin. Un monde étonnant à découvrir dans un livre exceptionnel.
AUTEURS DU BASSIN
Je ne savais pas que mon histoire était si belle – Jacqueline Clerfeuille et Annie Montaux
Voilà un ouvrage des plus originaux et des plus actuels que présente Jackie Donzeaud dans « Sud-Ouest ». Ses deux autrices l’ont rédigé à partir des témoignages d’émigrés venus de pays les plus divers. Gujan-Mestras les a accueillis et, notamment, l’association Possible qui leur a appris le français. D’où l’idée de ce livre qui, écrit Jackie Donzeaud, « a le mérite de rendre réelles des situations qui restent abstraites pour les habitants d’ici. » Comme l’analyse le journaliste : « les récits de ces parcours de vie permettent de changer le regard sur l’immigration et de parler positivement de ces hommes et de ces femmes qui ont vécu des histoires très diverses et très poignantes car ils ont fui pour survivre et traversé des moments très durs. » Un ouvrage bien venu par les (mauvais) temps qui courent.
L’Heure du laitier – André Durand ( Éditions B.O.D.)
L’auteur de ce livre de souvenirs a beaucoup de choses à raconter puisqu’il fut inspecteur à la police judiciaire puis à la fameuse police des polices. C’est ce que rappelle Fabienne Amozigh-Gay dans « La Dépêche ». Elle insiste sur les difficultés du métier de policier, à travers les témoignages d’André Durand, qui vit aujourd’hui une active retraite au Teich. « Il parle sans langue de bois », note la journaliste à laquelle l’auteur a confié : « Il a fallu se blinder très tôt car c’est un métier où il y a beaucoup de suicides ». Et l’auteur de préciser : « Au début, c’est choquant de côtoyer la mort. Nous sommes les fossoyeurs de la société ». Outre ces visions sur son travail, André Durand raconte qu’il est intervenu lors de l’accident de la princesse Diana, lors du suicide de François de Grossouvre à l’Élysée ou lors de l’affaire du commissaire Meyer, le numéro deux de la police de Lyon, accusé de trafic de drogue. Bien d’autres souvenirs encore, dramatiques ou surprenants, rendent ce livre particulièrement intéressant.
Mourir sous les pins – Virginie Bougant. (Ed. Terres de l’Ouest)
C’est le troisième ouvrage de cet écrivaine, précise Jean-Pierre Despeyroux dans « Sud-Ouest ». Un polar, bien sûr, où l’on retrouve la commandant Walczak et son acolyte, le journaliste Lorian. Cette fois, ils vont devoir résoudre l’énigme posée par la découverte du corps d’une femme. Ce qui ne plaît pas du tout aux habitants du coin dont l’accueil est plutôt froid. Qu’ont-ils donc tous à se reprocher ? L’occasion pour l’auteur, écrit J.P. Despeyroux, « de montrer que Virginie Bougant aime travailler la psychologie de ses personnages au fil d’une intrigue qui, dans une ambiance de polar, apporte une vision critique sur la société. »
Crime sur Pyla – Marc Tallendier. (Éditions Geste Noir)
Décidément, le Pays de Buch est une terre d’inspiration pour les auteurs de polars. Dans « La Dépêche », dans un article signé F.A., le journal parle « d’un opus haletant sous tension ». Il est vrai que l’intrigue ne manque pas d’énigmes. À Pyla, deux Parisiens en vacances, Paul et son épouse Laurence, découvrent deux cadavres à deux jours d’intervalle. Malgré des indices variés, tout semble les accuser d’avoir commis ces deux crimes. C’est du moins la conviction de l’inspecteur Berton, d’autant plus borné qu’il est en conflit avec son commissaire et sa collègue et qu’il déteste les Parisiens. Paul et Laurence vont devoir tout faire pour se sortir de ce guêpier et découvrir le vrai criminel.